Obstacles en matière d’information

Même si la publicité pour l’usage des préservatifs, le principal moyen de se prémunir d’une contamination au VIH, n’est plus interdite depuis 1986, trop de responsables publics restent soupçonneux à l’égard des messages d’intérêt général sur la santé sexuelle. Le Sida n’est pas un sujet pour quelques-uns : 100% de la population a eu, a, aura des relations sexuelles.

Il n’y a aucun péril et beaucoup de bénéfices pour la santé de toutes et tous à aborder le sujet de la prévention publiquement, sereinement et à combattre les stéréotypes. Pourtant, à Angers ou à Aulnay-sous-Bois et dans une dizaine d’autres villes, les municipalités ont décidé de censurer des campagnes de prévention de Santé publique France. À Noisy-le-Grand, tout récemment encore, une soirée-débat a été annulée au motif que le sujet est « trop triste »…

Les déficiences de l’éducation à la sexualité

De même, les séances d’éducation à la sexualité qui doivent être organisées à l’école, restent des objets de polémique et à peine plus d’1 sur 10 est assurée¹. Le rôle bénéfique de ces séances n’est plus à démontrer pour transmettre des informations et engager des réflexions collectives et de santé sur des actes, par nature, intimes et néanmoins altruistes. Le rôle bénéfique de ces séances est d’ailleurs bien plus large et permet aussi de lutter contre les violences sexuelles et sexistes, contre les discriminations liées au genre et à l’orientation sexuelle.

Parmi les clichés et stéréotypes à combattre figure la « sérophobie », c’est-à-dire l’attitude qui consiste à adopter un comportement excluant à l’égard d’une personne sous prétexte qu’elle vit avec le VIH. Largement alimentée par l’ignorance des premiers temps et si souvent attisée par des fake news, cette discrimination est cruelle et absurde.

L’état des connaissances scientifiques est net, depuis longtemps, sur les modes de transmissions du virus qui engendre le Sida, le VIH. La contamination se situe dans les fluides corporels tels que le sang, le sperme, les fluides vaginaux et le lait maternel. Le VIH se transmet par pénétration lors d’un rapport sexuel, par transfusion sanguine, par le partage d’aiguilles contaminées et au cours de la grossesse, de l’accouchement et de l’allaitement. Il n’y a aucun moment dans les actes ordinaires de la vie professionnelle ou personnelle où une personne serait exposée au VIH à son insu.

Faire reculer le Sida, c’est d’abord savoir !

Cruelle, la sérophobie est aussi dangereuse. Car la lutte contre le Sida ne pourra être gagnée que si les personnes qui vivent avec le VIH connaissent leur situation. La réprobation sociale et la stigmatisation constituent des obstacles. En France, si 180 000 personnes vivent avec le VIH, 1 sur 7 l’ignore et ne bénéficie ainsi d’aucun suivi médical. Il est possible, dans ce cas, qu’il ne prenne pas de précaution particulière non plus.

Or, si la recherche achoppe sur l’invention d’un vaccin, les traitements ont progressé à pas de géant. Grâce aux différents moyens de riposte, dépistage, Prep’, traitement post exposition, prise en charge médicale adaptée, aujourd’hui on vit avec le VIH. Pas sans contrainte, mais on vit. Dans de nombreux cas d’ailleurs, on vit presque sans le VIH puisqu’il est maintenant attesté qu’une charge virale faible, indétectable, est intransmissible.

La clé de la lutte contre la pandémie de Sida : l’égalité !

Les succès obtenus par cette stratégie de riposte marquent le pas depuis une autre pandémie, celle de Covid-19. C’est ce qui conduit ONU-Sida à promouvoir l’égalité et incite « à œuvrer en faveur des actions concrètes qui ont fait leurs preuves et qui sont nécessaires pour lutter contre les inégalités et aider à mettre fin au sida » indique l’organisation internationale. ONU-Sida détaille :

« Renforcer la disponibilité, la qualité et la conformité des services de traitement, de dépistage et de prévention du VIH afin que tout le monde y ait accès correctement.
« Réformer les lois, les politiques et les pratiques pour lutter contre la stigmatisation et l’exclusion auxquelles sont confrontées les personnes vivant avec le VIH et les populations clés et marginalisées, afin que chaque individu soit respecté et accueilli.
« Assurer le partage des technologies entre les communautés et entre le Sud et le Nord pour permettre l’égalité d’accès aux meilleures découvertes scientifiques concernant le VIH. »

Depuis la 6e puissance économique mondiale, nous pourrions regarder ces mots d’ordres avec distance, se sentant finalement protégés, peu concernés. Mais l’état de dégradation de notre système de santé, l’insuffisance des moyens de prévention criant à l’occasion de la pandémie ou, dernièrement, la baisse du budget de la Sécurité sociale pour 2023, devraient nous inciter à y être plus attentifs.

Les mutualistes mobilisés pour un monde sans Sida

C’est dans cet esprit que la Fédération des mutuelles de France a engagé un travail pour contrecarrer les discriminations en santé et qu’elle se bat, avec ses groupements adhérents, pour une Sécurité sociale de haut niveau. C’est d’autant plus nécessaire, qu’aujourd’hui, les patients bénéficiant du dispositif « ALD » (affection longue durée), comme les personnes vivant avec le VIH, ont un reste à charge en santé supérieur à la population générale.

C’est la citoyenneté des premiers militants de la lutte contre le Sida qui a permis de mobiliser les acteurs publics et privés dans les premières décennies de la pandémie. La mobilisation continue. Nous savons quoi faire, encore faut-il avoir les moyens de le réaliser pour, qu’enfin, à force de prévention, de dépistage, de prise en charge thérapeutique, d’absence de stigmatisation des personnes touchées, on puisse vivre dans un monde sans sida.

¹Enquête du Collectif « Nous Toutes », « #SexEducationNationale », 2021

 

Photographie : Emmanuel Veneau